vendredi 1 juin 2012

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- Je l'aime oui... j'aime ses yeux, sa voix, son corps. Elle me plaît quand elle marche à mes côtés dans la rue... quand elle se réveille le matin et que ses yeux brillent déjà alors qu'elle est encore toute endormie... Il y a une lumière dans son visage, quelque chose de si présent... Et puis elle est si vive... vivante, oui... un rien la touche, l'émeut... Elle me plaît, elle est tout le contraire de ce que je suis. Mais dès que je veux vivre cet amour, dès que je partage un moment avec Clarisse, une angoisse me prend au ventre. Je ne me sens pas bien. Je cherche une issue, comme si j'allais suffoquer. Mon sentiment est en place d'une certaine façon, il est ancré en moi, dans mon esprit, dans ma chair, mais il m'est interdit de l'exprimer. Oui, je suis interdit d'expression, sous peine de je ne sais quelle punition. En fait, si je me laisse aller à aimer, c'est à dire à vivre cet amour que je ressens, j'ai l'impression que je vais y passer, que je vais mourir. C'est plus fort que moi. J'angoisse, je suis oppressé, j'ai la certitude que je vais passer à la casserole. Alors, plutôt que d'encourir cela, soit je me protège derrière une attitude téléphonée, théâtrale, je joue un jeu, soit je déprime et je m'effondre devant l'évidence de mon incapacité à aimer, dit ensuite Joseph lors de cette première séance. 
Je peux me raconter que je l'aime, mais pas l'aimer, ajouta-t-il, je peux me faire un récit, mais je ne peux pas vivre ce récit. 

Julien Boutonnier

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