vendredi 23 mars 2012

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03h12
Devant la maison, une pupille vitreuse, blanche comme un suaire, constelle le trottoir mouillé sous un réverbère. C'est la Mort qui regarde. Reléguée dans l'opacité des consistances, cachée sous les surfaces, clandestine sans lieu ni temps pour se manifester officiellement - puisqu'aujourd'hui on ne veut pas d'elle, puisqu'on ne se fait plus une raison - elle continue néanmoins son oeuvre, puissante comme toujours, larvée partout à défaut d'être accueillie quelque part. Joseph et Clarisse dorment enlacés sous la couette, Sarah derrière les barreaux de son lit. Dans quelques heures ils feront leurs vies à nouveau, ils s'embrasseront, déjeuneront, feront ces gestes quotidiens sans trop se soucier sans doute que leurs corps un jour pèseront, inertes, sans eux. Pour lors, la Mort creuse quelque chose dans leur sommeil, doucement, sans faire de bruit, pour ne pas les réveiller, elle cisèle un motif, une limite, un oubli, elle ménage peu à peu son antre dans la matière même de leurs rêves, dans la substance de leur abandon, elle prépare la sortie.

Julien Boutonnier  

  

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