vendredi 31 octobre 2014

478 - LIVRE-AVRIL - 12 (PROVISOIRE)







     12





     je fais un pas      dans ta voix      une soif :
     la mort 



et nous avons foré la douleur de nos frères avec l’instrument du poème / depuis les yeux d’avril nous avons vu les charniers / nous avons compté les corps / et chaque corps a été un poème / chaque visage s’est collé à son hurlement / chaque douleur a trouvé sa strophe / et la peine / et le désarroi / et le naufrage ont déambulé dans l’expression du poème / le ciel d’avril constellé de cris et de gémissements / et nous avons tordu nos os pour danser dans la crevasse / et nous avons déclamé les souffrances / et les larmes / et nous avons dit dans le sang d’avril / et nous avons dit la morsure bestiale de l’homme et de la femme / nous avons jeté dans les tornades d’avril / nous avons jeté les corps du souffle en sang / et nos mains ont séché / et nous avons vu nos mains se mourir / et nos yeux d’avril écarquillés / nous n’avons plus rien vu / nous avons démembré les noms / nous avons détruit les strophes / nous avons plongé dans le grand os d’avril / dans le grand os de l’espace Shengen / dans la dureté sans principe de la moelle / nous nous sommes perdus au sang du ciel / nous avons hurlé dans le ventre d’avril / et le sexe d’avril s’est ouvert / et nous avons été ajoutés dans la bouche d’avril / et du sexe d’avril à la bouche d’avril nous nous sommes engendré dans l’Europe / nous nous sommes anéantis dans la société qui viendrait / nous avons été Piotr Rawicz / nous avons anéanti la société qui viendrait / la société malade de nos avril en sang jetés sur les postes frontières




                 mâche crache :      dans l’amour
regarde      ma colère assise      à l’ombre
sur un banc 



accoudé sur le parapet, il fixa un moment encore l’horizon qu’embrasait un crépuscule d’une beauté à couper le souffle et, se tournant vers la jeune bayadère qui ne l’avait plus quitté du regard depuis la fin des festivités, il ajouta sans plus attendre, avec un tremblement dans la voix qu’il ne parvenait pas à contrôler :
          « j/e
          suivrais donc
          une droite
          partant du mont Ngabua
          aboutirais au point culminant
          du volcan Sabinio
          et j/e longerais
          la ligne de faîte des volcans
          jusqu’au Karissimbi
          et puis jusqu’au nord du Kivu »



                         regarde la nuit      ressemble
à des mains 



FRONTEX […] renforcement […] moyens […] résultats […] pas là […] 2005 […] 922 morts […] frontières […] 2007 […] créées les unités spéciales […] « Rabits » […] budget […] augmente […] 1786 morts […] 2009 […] accords bilatéraux […] Kadhafi […] patrouilles conjointes […] 1500 morts […] frontières européennes […]



                    qui creusent



une rafale dérame les feuilles au sol et les arbres glanent ce brin de vent tes yeux solfient nos mélancolies sur les mesures d’une averse après l’autre et les bras m’en tombent / c'était inscrit dans sa chair dans ses os selon une formule lapidaire quoique sans grandeur ni style héroïque tu es une merde / elle s'est assise sur une marche au bord de la Garonne l'eau s'amuse dans ses remous avec les reflets du jour et d'énormes nuages s'élèvent en colonnes parmi le bleu du dais éthéré / sur ses cils un petit vent joue de la harpe ses pensées vont vers sa fille vers son rire si limpide qu'à travers parfois sa mère croit voir le fond de la vie et son cœur se serre c’est un effroi une panique comment pourrait-elle survivre si jamais il arrivait malheur l'immensité de sa dépendance cette folie de mère un sourire déchiré ouvre sa belle bouche sage une lumière passe par la blessure son visage irradie comme une nuit retournée / un vieux maghrébin à la courte barbe blanche assis quelques mètres plus loin se tourne vers elle il lui sourit lève sa canne c'est un temps pour les coccinelles qu'elles s'envolent! il rit doucement elle acquiesce d'un signe de tête pince ses lèvres quand les larmes lucides s'enroulent au coin de ses yeux 
larmes charriant ces ténèbres données en partage 






















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