Notes en vue d'un cri
J'ai senti les veines des milliards. J'ai senti que ça avait lieu: nous, les hommes, nos histoires, nos amours et nos morts. J'ai suivi ma langue quand elle a glissé sur la lèvre inférieure. Le vent a flambé un instant sur le bord juste après. J'ai eu le vertige un peu. J'ai touché du doigt quelque chose d'aussi important qu'une eau coulant sur nos mains. Le pressentiment d'un indice sans nom a ruisselé dans les ravines de mon souffle. Rien ne se passerait. J'en étais convaincu. Rien n'aurait lieu que l'oubli ordinaire et merveilleux. J'ai marché dans l'air à la manière d'un homme. Et mon corps a trouvé le déséquilibre adéquat. L'espace s'est déplié au fur et à mesure. J'ai senti la distance s'engouffrer dans mes pores. Le chemin du long cri m'a trouvé. Le mur a longé mon haleine de Perceval. J'ai guetté le premier cri, cette vibration des cordes vocales à la source de toute affection. J'ai cherché le déploiement des alvéoles pulmonaires. Le cimetière a soufflé dans les bronches des vivants. La mort a ouvert les yeux du vivant. J'ai manqué de tout. J'ai senti l'avenir couler dans mes artères. J'ai senti la lumière au loin sur le flanc des collines, le rire tranchant du jour au travers des feuilles. J'ai senti les mousses humides au Nord de l'espoir. Mais j'étais seul et cela que je vivais devait rester banal, c'était la vie quotidienne, c'était le jour à vivre depuis le début, mais j'étais seul et le vent frais levait les épaisseurs considérables des morts en moi. Les générations m'ont emboîté le pas. C'était la vie normale des hommes. J'avais l'intuition que bientôt je trouverais la photo, et qu'après commencerait enfin ce qui n'a jamais cessé de s'offrir: la disparition de l'unique et la confirmation de ma peau.
Voyage à Mazamet, Notes en vue d'un cri - 19, mardi 16 juillet 2013
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