mercredi 20 mars 2013

328 - Voyage à Mazamet







Notes de voyage en vue d'un récit amati - 1

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Il me fallait un jour pluvieux, du moins sans soleil. Le vieux du rêve de New York lit en effet une photo qui est un paysage flou, humide, avec des murs et des cyprès. J'avais choisi ce mercredi 20 mars parce que la météo avait prévu des averses sur Mazamet. A Toulouse, au moment du départ, il pleuvait, c'était bien. 




Le rêve a infiltré le monde. Je l'ai senti. Comme en un lieu hypnagogique, sur la brèche, entre veille et somme. J'ai flotté moi aussi, j'ai pris la route, j'ai conduit parmi les signes à même le songe, parmi le simple espace où les choses déroulent sans façon l'intempérance obtuse de leurs consistances. 




J'ai mis de la musique.




Et j'ai passé le seuil. Je me suis engagé vers cette photo du rêve, cette photo qui n'existait pas encore. Je ne savais pas à quoi m'attendre. J'allais vers l'inconnu dans ce pays si familier, où mes parents ont grandi, où mes vacances furent heureuses. Mais le rêve avait eu lieu. Rien n'était plus pareil. Un vieux dans mes songes avait affirmé que ma mère était lamentable, qu'elle ne disait jamais rien, qu'elle n'était pas une mère. Il l'avait lu dans une image. J'allais vers cette image. Vivre cette image, m'immerger dedans. Je prenais la route vers l'intérieur. Dans le pays de mon coeur. Dans l'image de mon coeur nocturne. Au coeur des pixels de ma scène d'ombre. 




Je me suis inséré dans le convoi nébuleux des mots et des associations. Je me suis infiltré parmi les véhicules du rêve. Mon corps s'est diffusé dans l'habitacle du rêve. Je me suis absenté dans ma propre présence. Qui a conduit? Quel hôte a pris le relais? Qui a vu par la jonction de ma pupille? Qui se souvient? Je ne me souviens de rien.




J'ai cherché le rêve et je l'ai trouvé dans sa pleine mesure. Il m'a pris la main. Il m'a guidé dans l'innocence de la couleur, dans la cruauté des tendresses innombrables qui depuis quelques jours seulement osaient frémir d'aise dans les pétillements de l'atmosphère. Il y eut des chemins brefs - leurs voix m'enchantèrent et leurs récits me donnèrent courage. Je me suis marié avec une flaque au tournant, elle m'a parlé de son pays d'origine. J'ai été conquis. Mais ça n'a marché. J'ai manqué de soif, de ce cri ardent qui m'écartèle aux meilleurs jours. 




On m'a conduit à travers la plaine. J'ai traversé les vents aux yeux livides. J'ai vu les déportés mourir comme des bêtes. Je les ai vus dans les champs, allongés dans le peu de vie, dans la parcelle brève de leurs derniers expirs. J'ai crié. Je me suis jeté contre la fenêtre. J'ai dénoué mes veines pour qu'ils s'y accrochent. J'ai laissé le sang déclamer les essors vivants. Pour rien. J'ai vu les corps laisser leur pouls aux oiseaux. Combien d'ailes n'ai-je compter dans la profondeur acérée? Mais j'ai laissé les morts à l'indifférence des arbres. Mais j'ai continué mon chemin.


A suivre... 









M.E.R.E - Voyage à Mazamet- notes en vue d'un récit amati - mercredi 20 mars 2013

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