jeudi 22 novembre 2012

273 - Pauvre type

C'est la nuit. La chaudière s'entend, s'emmêle au silence qui vient sans accéder à quoi que ce soit de pérenne. Certaines minutes parfois font en soi comme un puits désolant. Un trou noir et puant où croupissent ces vieilles eaux que je suis, ces mauvaises habitudes dans le reflet desquelles il ne me viendrait même pas à l'esprit de considérer un autoportrait. C'est que je suis lâche. 
Dans la nuit ma lâcheté dynamite ma présence. Elle m'ouvre à une conscience, mauvaise, plus ample qu'à l'ordinaire, de ce que je ne suis pas. C'est plutôt douloureux. C'est plutôt bien du point de vue de l'expression. 
Lâche, mauvais, dans le silence de la nuit, j'ai le sentiment que je ne suis pas à ma place. Je me sens coupable. Cet état en jouxte un autre, l'éveille par capillarité: un pressentiment dont l'objet serait une imminence. Comme une soeur siamoise de ma culpabilité prendrait vie un danger dont la singularité serait celle-ci: avec lui vient l'amour. 
De cet amour je ne saurais rien dire. Je le sens. Il est là, logé dans un risque, dans les liens et méandres de ma lâcheté, de ma culpabilité, il est là comme l'autre de tout le monde, comme le visage manifesté d'un pouvoir absolu qui se refuserait à gouverner les âmes de chacun: un amour immense, infini, démesurément cruel si je le considère du point de vue des exigences de mon quotidien.
Pauvre type. 
Que feras-tu du danger par le truchement duquel se pressent l'amour? Oseras-tu trahir les tiens? Oseras-tu te renier? Prendre tes jambes à ton cou? Oseras-tu être cet idiot qui gâche sa vie? Ce phénomène qu'on exhibera aux repas de famille? 
C'est la nuit. Je ne suis pas à ma place. De cet écart naît l'expression. De cette infidélité. 
Ecrire n'a vraiment rien à voir avec soi. 
Ecrire est dans l'idiote épaisseur de la trahison. 



Quoi qu'il en soit, les joggers joggent: voilà le vrai mystère.









La lunette d'approche



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