lundi 27 février 2012

14

10h53
La pluie grise sème des reflets mats et froids sur les revêtements urbains. Dans cette rue étroite, un lent monôme de voitures longe en silence les trottoirs venteux. Entassés devant une grille s'amollissent les cartons mouillés d'un abri de fortune; un corps grelottant souffre là-dessous, que depuis longtemps nul n'a pris dans ses bras. Clarisse passe à côté, désespérée, outrée, impuissante, elle passe son chemin. Une sourde mélancolie l'engonce dans la mort depuis qu'elle se prend à être lucide. Elle voit partout ses frères de misère, déportés faméliques tout autant qu'elle, tomber comme des mouches. Dans leurs vêtements rayés ils errent, souriants, vides, idiots, et meurent soudain, s'effondrent et gisent sans que quiconque ne s'en soucie. Clarisse déambule dans le camp. Personne ne sort jamais du camp puisqu'aujourd'hui tout le monde naît, vit et meurt derrière les barbelés.Puisqu'aujourd'hui l'Europe est un camp.

Julien Boutonnier

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